Just Eat : victoire historique de FO aux premières élections professionnelles

FO est arrivée en tête au premier tour du scrutin professionnel au sein de l’entreprise de livraison de repas, ce qui va permettre aux nouveaux délégués syndicaux d’accentuer la lutte pour les droits, les salaires et les conditions de travail des livreurs à vélo. Si Just Eat est, à ce jour, la seule plateforme de livraison de repas à salarier ses coursiers en CDI, la vie n’y est pas rose pour autant, entre heures de nuit non majorées et vélos non remplacés.

C’est un score plein de promesses pour les salariés de la plateforme de livraison de repas à vélo Just Eat : avec 58% des voix au premier tour des élections professionnelles, les premières de l’histoire de l’entreprise, FO s’impose comme syndicat majoritaire. Dans le secteur des plateformes numériques de livraison, Just Eat fait figure d’exception : elle a en effet décidé fin 2020 de recruter ses livreurs en CDI, quand ses concurrents ont toujours recours à l’auto-entreprenariat (et à la précarité qui va avec). Mais les travailleurs ont depuis découvert que le salariat ne fait pas tout, et que les conditions de travail à Just Eat n’avaient rien d’enviable.

C’est pourquoi Jérémy Graça, délégué FO de la plateforme, se réjouit de cette victoire : On voulait gagner et on va être présents pour les livreurs, car on vit ces conditions de travail au quotidien. Le deuxième tour, qui se tient du 10 au 17 mars, permettra d’élire les représentants au CSE (Comité social et économique), où les intérêts des salariés seront donc désormais représentés.

Un scrutin difficile au sein d’une profession où les travailleurs sont isolés

Pour arriver à ces élections, le parcours a été semé d’embûches. Il y a eu énormément de problèmes, raconte Jérémy Graça. Pas mal de livreurs n’ont pas reçu leurs identifiants, certains d’entre eux ont changé entre-temps. Il a fallu que j’insiste auprès de l’Inspecteur du travail pour que la direction publie les professions de foi, car elles se trouvaient auparavant dans une partie de l’application que les livreurs ne consultent pas. Le délégué FO estime que toutes ces difficultés ont induit une perte de voix.

La participation en a en tout cas été affectée : 27,76% de votants seulement, traduisant un abstentionnisme que Jérémy Graça redoutait. Avec ce manque d’informations, beaucoup de livreurs n’ont pas compris l’intérêt des élections professionnelles, regrette celui qui s’est engagé cet hiver dans un petit tour de France des villes où Just Eat est présente, afin de rencontrer ses collègues. Au sein d’une profession dans laquelle les travailleurs sont particulièrement isolés, ne disposent pas de locaux communs où se retrouver et échanger, il est très difficile de mobiliser et fédérer.

Il nous faut des conditions de travail décentes

Les livreurs de Just Eat ont pourtant plus que jamais besoin de représentants. L’accord d’entreprise aujourd’hui en vigueur, signé fin 2020 alors que la société n’avait encore embauché qu’une poignée de salariés administratifs, est très défavorable aux travailleurs. Surtout, il déroge largement à la convention collective nationale des transports routiers.

Cette victoire va donc permettre à au syndicat FO d’agir pour que soit dénoncé cet accord d’entreprise. On va demander un rendez-vous à la direction pour parler de tous les problèmes rencontrés à Just Eat : les salaires, le matériel, les plannings, énumère Jérémy Graça, qui a organisé en janvier une manifestation devant les locaux parisiens de la société. Les heures de nuit et les heures supplémentaires, notamment, sont peu, voire pas majorées. Les salariés doivent lutter pour obtenir leurs indemnités en cas d’accident du travail, et les réparations sur leur vélo sont à leurs frais. Notre mouvement a commencé en décembre, on n’a aucune relance sur ces questions alors qu’ils savent bien que ce sont des points de désaccord.

Face à une direction qui joue la montre et fait la sourde oreille, FO fera preuve de fermeté : Si on n’obtient pas satisfaction, il y aura des mouvements, prévient Jérémy Graça. Mais le but, c’est d’abord de parler à l’employeur et de lui faire comprendre que s’il veut une entreprise compétitive, il nous faut des conditions de travail décentes, qui donnent envie de travailler pour cette société. En outre, le délégué s’interroge sur l’état financier de Just Eat, jusqu’à présent très opaque. Si l’ampleur des difficultés économiques de l’entreprise est pour le moment inconnue, au CSE, la direction sera obligée de parler, on va savoir comment Just Eat gère son argent.

Plateformes numériques : des élections cruciales en mai

Mais ce qui rend aussi cette victoire d’autant plus importante, c’est l’approche d’autres élections professionnelles auxquelles FO prend part, cette fois à l’échelle de tout le secteur des plateformes de livraisons et de VTC (voiture de transport avec chauffeur). Organisé du 9 au 16 mai prochain par l’Autorité des relations sociales de plateformes d’emploi (ARPE, sous la tutelle du ministère du Travail), ce scrutin concerne quelque 100 000 travailleurs, indépendants.

Ces élections ont vocation à permettre de négocier un socle de droits concertés, sur plusieurs sujets essentiels tels que la santé au travail, la rémunération ou encore la formation professionnelle, selon la ministre du Travail, Elisabeth Borne. FO sera là pour veiller à ce que ce nouveau dispositif ne soit pas une occasion d’institutionnaliser davantage la précarité dans ce secteur, qui nécessite au contraire une transition nette pour réellement améliorer les conditions de travail et de rémunérations de ces travailleurs, livreurs et chauffeurs VTC. Et souligne de longue date la confédération FO, cela passe par un statut de salarié ou alors par une véritable et effective indépendance économique.


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