La plateforme Uber avait saisi la plus haute juridiction du pays, après avoir perdu à deux reprises sur cette question de statut. Elle considérait que les chauffeurs n’étaient pas des salariés car ils choisissaient leurs horaires et lieux de travail et avaient la possibilité de collaborer avec plusieurs applications en même temps
Uber, dans l’attente de cette décision, craignait un effet boule de neige… Il ne s’est pas fait attendre. En effet, quelques jours plus tard, le 24 février, la justice italienne a rendu une décision similaire à celle du Royaume-Uni, concernant cette fois les livreurs de la plateforme numérique. Quelque 60.000 livreurs travaillant pour Uber Eats, mais également Deliveroo (autre plateforme), devront être requalifiés comme salariés.
Des jugements qui vont dans le sens d’une volonté de régulariser la situation de milliers de travailleurs en Europe, en pleine pandémie. La crise sanitaire a été un révélateur du manque de protection sociale et de l’absence de cadre légal pour tous ces travailleurs
, rappelle Béatrice Clicq, secrétaire confédérale du au secteur de l’Egalité et du Développement durable. Au plus fort de la pandémie, ils n’ont eu ni chômage, ni protection sanitaire (masques, gel hydroalcoolique)
.
Des centaines de procédures encore en cours en France
Côté français, la Cour de cassation avait également considéré, en mars 2020, que le statut des chauffeurs Uber était celui de salarié et non de travailleur indépendant. Des centaines de conducteurs ont pu requalifier leur contrat commercial avec la plateforme américaine en contrat de travail. De nombreuses procédures judiciaires sont encore en cours, une année plus tard. Dans l’hexagone, environ 30 000 chauffeurs VTC exercent sous un statut de travailleur indépendant.
Un statut qui arrange les plateformes numériques. Ce sont des travailleurs à moindre coût pour Uber car il n’y a pas de liaison contractuelle
, indique Béatrice Clicq. Mais l’Europe semble vouloir remédier à cette situation. Fin février, la Commission européenne lançait une consultation des partenaires sociaux afin d’améliorer le sort de ces travailleurs. De son côté l’Organisation internationale du travail (OIT) vient de publier un rapport rappelant l’urgence de la mise en place d’un cadre légal clair, suite au développement rapide de nombreuses plateformes en raison de l’épidémie de COVID19.
Rejet d’un « 3ème statut » moins disant
Pour FO, toutes ces décisions vont dans le bon sens et donnent un signal positif partout en Europe. Reste le sujet de la représentation salariale, qui devrait venir sur la table en France ces prochaines semaines, souligne la secrétaire confédérale. Autre point positif, le rejet d’un 3e statut
, ni vraiment salarié, ni vraiment indépendant, un temps évoqué.
En France, la mission Frouin sur les travailleurs des plateformes numériques lancée en juin 2020 (et dont le rapport a été rendu au gouvernement en décembre dernier, Ndlr), a rejeté cette notion de 3e statut, signale Béatrice Clicq. Ce statut moins-disant aurait fait de ces travailleurs des employés de seconde zone et aurait pu avoir comme conséquence une mise en danger, notamment salariale.
D’autres types d’entreprises auraient pu être tentés par ce 3e statut exemptant l’employeur de ses obligations au titre de la protection sociale.
Un scénario européen différent de ce qu’avait envisagé Uber, qui souhaitait mettre en place ce qui existe aujourd’hui en Californie, aux Etats-Unis. Les conducteurs y sont désormais indépendants suite à un référendum organisé en novembre 2020 sur la Proposition 22
, massivement approuvée par les électeurs et allant contre le choix des autorités de l’État. En 2019, une loi avait en effet été adoptée en Californie, requalifiant les chauffeurs VTC en salariés. Depuis, le Le géant américain Uber avait toutefois dépensé des millions de dollars dans une campagne de publicité afin de contrecarrer cette loi.